Page:Blanc - Histoire de dix ans, tome 1.djvu/349

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homie protectrice, dernière forme que revêt l’orgueil des grands.

A midi, selon la résolution prise, les députés se réunirent au palais Bourbon. M. Laffitte n’ignorait pas combien il importe, dans les moments de trouble, de présenter aux esprits un but nettement défini. Pour faire les révolutions il faut savoir bien ce qu’on ne veut pas ; mais un moyen sûr de les dominer est de savoir mieux que tout le monde ce que l’on veut. Les hommes initiés à la pensée de M. Laffitte faisaient donc courir le bruit que tout était prêt pour l’installation du duc d’Orléans ; que lui seul était en état d’empêcher le retour du despotisme et de mettre un frein à la démagogie. Ces discours, adroitement répandus, rassuraient les timides, encourageaient les faibles, fixaient les irrésolus, et créaient en réalité la puissance du parti qu’on représentait comme si puissant, le courage de la plupart des hommes se composant de beaucoup de lâcheté.

Nommé président par acclamation, M. Laffitte ouvrit la séance, et M. Bérard annonça la prochaine visite du duc de Mortemart. Alors ceux-là durent être saisis d’un profond sentiment d’amertume et de pitié, qui virent de quelle sorte tous ces pâles législateurs attendaient l’arrivée d’un envoyé du roi. D’une part, ils pouvaient entendre les clameurs victorieuses du dehors ; de l’autre, leur vieux maître semblait encore les surveiller de Saint-Cloud. Entre ces deux périls, la plupart composaient leur attitude et leur visage, pour ne pas risquer leur fortune du lendemain.