Page:Blanc - Histoire de dix ans, tome 1.djvu/498

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pour lui-même, il ne s’occupait que des gens de sa suite : égoïste en cela pourtant, car les rois ont cet orgueil de s’aimer dans leurs serviteurs. Du reste, sa conduite était pleine de contradictions apparentes. L’aspect de la dauphine en pleurs, de ses courtisans éperdus, de deux enfants qui s’amusaient, avec l’ignorance de leur âge, de ces nouveautés introduites dans leur existence, tout cela le trouvait, sinon impassible, du moins résigné ; mais il suffisait, pour lui causer une irritation puérile, de la vue d’un lambeau tricolore, ou d’un léger manquement à l’étiquette. Dans la petite ville de l’Aigle, il avait fallu faire fabriquer une table carrée, selon les usages de cour, pour le dîner de ce monarque à qui échappait un empire. Il montrait ainsi, réunis en sa personne, cet excès de grandeur et cet excès de petitesse que donne la pratique de la royauté ; et, portant avec courage l’ensemble de son infortune, il n’en pouvait patiemment tolérer les détails. Il aurait voulu qu’on lui fît du moins une misère pompeuse.

A Maintenon, il avait consenti sans trop d’efforts au licenciement de son armée. A Dreux, il s’était vu enlever sans se plaindre l’artillerie de la garde, dont on n’avait conservé que deux pièces de canon. Il avait cédé enfin, tant qu’il ne s’était agi que de perdre la réalité de la puissance ; mais, quand on voulut lui en disputer les dehors, il sentit renaître en lui tout l’orgueil de son sang ; résigné à l’exil, pourvu qu’il eût l’air d’emporter avec lui l’éclat de sa race et les lambeaux de la monarchie.

Il se plaignait surtout de l’impatience des com-