Page:Blanc - Histoire de dix ans, tome 1.djvu/72

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

jamais volontairement couru les risques d’une révolution, s’il ne se fût agi pour elle que d’assurer le triomphe de son scepticisme et de sa vanité.

Pour ce qui est des cruautés tant reprochées à Louis XVIII, on doit reconnaître que c’est principalement aux circonstances qu’elles doivent le caractère qu’elles ont conservé dans l’histoire.

« A neuf heures du matin[1], dit un historien de la Restauration, Ney, revêtu d’un frac bleu, monta dans une voiture de place. Il avait fait demander à M. de Sémonville une bouteille de vin de Bordeaux et l’avait bue. Le grand-référendaire accompagna le maréchal jusqu’au nacre. Le cure de Saint-Sulpice était à ses côtés ; deux officiers de gendarmerie sur le devant de la voiture. Le lugubre cortège traversa le jardin du Luxembourg du côté de l’Observatoire. En sortant de la grille, il prit à gauche, et fit halte cinquante pas plus loin, sous les murs de l’avenue. La voiture s’étant arrêtée, le maréchal en descendit lestement, et se tenant à huit pas du mur, il dit à l’officier : Est-ce ici, Monsieur ? — « Oui, M. le marechal. » Alors Ney ôta son chapeau de la main gauche, plaça la droite sur son cœur, et s’adressant aux soldats, il s’écria : « Mes camarades, tirez sur moi. » L’officier donna le signal du feu, et Ney tomba sans faire aucun mouvement. »

Ce qui frappe surtout dans cette horrible exécu-

  1. Histoire de la Restauration, par un homme d’état, tome III p. 404.