Page:Blanc - Histoire de dix ans, tome 1.djvu/79

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on le sait. Il ne pouvait conséquemment tomber que pour faire place à un homme capable de représenter comme lui, au pouvoir, les intérêts et les passions de la bourgeoisie. Ceux qui n’ont donné pour cause à la fortune extraordinaire de M. Decazes que l’affection de Louis XVIII, ne me paraissent pas avoir pénétré le fond des choses. M. Decazes était d’origine plébéienne. Aucun lien ne pouvait l’attacher à un régime de grands seigneurs. Il aimait l’argent, il en connaissait le prix. Il aimait le pouvoir, il en devinait les conditions. Sagacité, souplesse, activité, scepticisme, ambition subalterne, il avait, en qualités et en défauts, tout ce qui est nécessaire pour savoir de quel côté se trouve la force et s’y asservir. Le libéralisme, dans ce qu’il avait de peu élevé, ne pouvait trouver une personnification plus vraie. M. Decazes, c’était Fouché amoindri.

Voilà précisément ce qui rendait M. Decazes propre à remplacer Fouché, aux yeux de la bourgeoisie. D’un autre côté, il avait dit, en parlant de la marche étonnante de Napoléon sur Paris au 20 mars : « On ne gagne pas la légitimité à la course ; » et à part cette profession de foi, les royalistes le préféraient au duc d’Otrante, parce que lui, du moins, il ne portait pas sur ses habits l’odeur du sang.

M. Decazes fut poussé de la sorte au faîte des honneurs, et Fouché tomba du pouvoir, en y laissant un successeur digne de lui. Le goût de Louis XVIII pour