Page:Blanc - Histoire de dix ans, tome 3.djvu/134

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commander de dévouement sans espoir une écharpe, un regard, et à peine un sourire mais nous ignorons surtout la puissance d’une vertueuse caresse, d’un religieux baiser, d’une sainte volupté. Il n’en est point pour nous. Notre chair est plus souillée encore que notre esprit, et cette seule idée épouvante un monde qui ignore encore le pouvoir social, religieux et moral que l’avenir réserve à la beauté. »

Ainsi, les relations de l’époux et de l’épouse n’auraient pas été exclusives de l’intervention intime du Prêtre. Enfantin, d’ailleurs, ne condamnait pas l’inconstance d’une manière radicale. Il voyait bien deux vices, et dans l’indifférence, qui est la facilité de passer d’une affection à une autre, et dans la jalousie, amour exclusif pour un seul être, amour dévorant, qui craint toute approche, qu’un regard trouble et qu’un soupçon désespère ; mais sous ces deux vices, dont les types étaient à ses yeux Don Juan et Othello, Enfantin entrevoyait deux vertus. La facilité de passer d’une affection inférieure à une affection supérieure, sans s’abstraire dans la première, sans s’y abîmer, et en la considérant au contraire comme un premier élément de progrès, cette facilité lui paraissait d’une belle et sainte nature, pourvu qu’elle ne dégénérât pas en oubli, en vain caprice ou en ingratitude. De même, il se sentait pénétré de respect pour cet amour profond, qui se donne sans réserve, et de deux existences n’en fait qu’une, pour les rattacher toutes deux, plus fortes l’une par l’autre, à l’œuvre sociale. Harmoniser ces deux natures en leur donnant satisfaction et en