Page:Blanc - Histoire de dix ans, tome 3.djvu/152

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Carrel, même après la révolution de juillet, refusa toujours de croire. D’un autre côté, le besoin de l’action le tourmentait ; il aurait voulu renverser tout ce qui était obstacle à l’agrandissement des destinées de son pays, confondues avec les siennes dans sa haute et légitime ambition. La guerre écrite qu’il avait déclarée au pouvoir ne servait, malgré les périls qu’elle portait avec elle, qu’à consoler son courage et qu’à tromper l’inquiétude de ses désirs. Forcé souvent d’éteindre dans ses amis le feu dont il était lui-même consumé, il s’exaltait et se décourageait tour-à-tour dans cette lutte intérieure, et il s’irritait de sa propre sagesse que sa passion condamnait. En proie à ces incertitudes amères, il lui arriva quelquefois d’improuver des mouvements qui eussent réussi peut-être, secondés par lui. Il est vrai que, quand la bataille qu’il avait déconseillée était perdue, il embrassait la cause des vaincus, sans restriction, sans réticences. Contradiction héroïque, qui est l’inévitable faiblesse des grands cœurs !

Doué d’un genre de supériorité non moins réel, mais différent, Garnier-Pagès se distinguait surtout par sa finesse, par sa pénétration, par sa prudence honnête et calme, par une habileté singulière à mettre aux prises les partis adverses, de manière à les ruiner l’un par l’autre en obtenant l’estime et les applaudissements de chacun d’eux. Garnier-Pagès ne s’était pas laissé insensiblement gagner, comme Armand Carrel, à la cause de la république ; dès ses premiers pas dans la carrière des affaires, et même avant 1830, il s’était déclaré ré-