Page:Blanc - Histoire de dix ans, tome 3.djvu/155

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Lorsqu’un homme est trop haut placé au-dessus des autres hommes, la tête lui tourne : c’est là le vice fondamental de la royauté ; et s’il arrive à un roi de ne pas chanceler sous le poids de sa fortune, ce qu’il conserverait par sa modération, ses courtisans le compromettent par la témérité de leur bassesse. Au moment même où retentissait à Paris le cri de douleur poussé à Lyon par quarante mille ouvriers affamés, la cour ne songeait qu’à gorger la royauté de richesses.

Le roi lui-même, soit qu’il eût cédé en cela aux conseils trompeurs d’un entourage avide de ses largesses, soit qu’il eût appris depuis un an ce que coûtent les frais de représentation d’une monarchie, le roi lui-même semblait prêt à faire aux exigences de sa nouvelle position le sacrifice de ses habitudes bourgeoises, de ses goûts simples, qui avaient été, sous la Restauration, l’objet d’une admiration presqu’universelle. Il y avait bien encore des hommes qui l’auraient voulu voir, devenu roi, tel qu’il leur était apparu n’étant que prince ; il y avait des hommes qui, comme M. Dupont ( de l’Eure ) ou M. Bavoux, se rappelaient avec espérance les paroles qu’ils lui avaient entendu prononcer dans les premiers jours de son avènement : « Il ne doit plus y avoir de cour… Que faut-il à un roi citoyen ? six millions de liste civile, tout au plus. » Mais tant de désintéressement n’avait pas tardé à paraître ingénu à ceux qui comprenaient les nécessités d’une monarchie. On avait donc composé — M. Laffitte, à cette époque, était encore ministre ; — une liste qui ne portait pas à moins de 20 millions le chiffre des