Page:Blanc - Histoire de dix ans, tome 3.djvu/271

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représailles : ici, c’étaient des gendarmes qu’ils tuaient au coin d’un bois ou au détour d’un chemin ; là, des diligences qu’ils arrêtaient sur la grande route ; plus loin, des fonctionnaires qu’ils forçaient à livrer des vivres ou des armes. Les monuments de Quiberon et de Savenay dégradés, la statue de Cathelineau mutilée par ordre de l’autorité, les insultes adressées à la colonne du garde-chasse Stofflet dans la cour du château de Maulevrier, le désarmement opéré dans les chaumières, tout cela avait envenimé les ressentiments, devenus cruels et inexorables. Il serait trop long d’énumérer ici les crimes qui, dans cette mêlée des passions, furent commis et couverts d’une impunité fatale. Non loin d’Ancenis, un jeune réfractaire, nommé Bernard, fut assassiné par des gendarmes au moment où il tendait des collets pour prendre des perdrix. Un autre réfractaire, de la bande de Diot, fut trouvé travaillant au champ de son père : on pouvait l’arrêter, on l’égorgea. Un habitant de Saint-Julien fut pendu à un arbre par un officier qui le soupçonnait de faire des guêtres pour les chouans. Des épisodes touchants se mêlent au récit de ces atrocités. Un chef de bande, Delaunay, ayant été atteint d’une maladie mortelle, on l’avait transporté dans une ferme où il recevait les secours de la religion, lorsqu’on vint annoncer l’approche des soldats. Les paysans se hâtèrent d’envelopper le mourant dans une couverture, et l’allèrent déposer au milieu d’un champ de genêts, dans un épais buisson d’aubépine. Il y rendit le dernier soupir après une longue agonie solitaire. C’était un vieil-