Page:Blanc - Histoire de dix ans, tome 4.djvu/208

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proche des doutes cruels. La colonne passa par de petites bourgades où nul cri d’enthousiasme ne se fit entendre, et où elle ne rencontra que des regards étonnés. Par suite de ses travaux antérieurs, Mazzini était tombé dans un état extraordinaire de lassitude, et la douleur de voir le succès lui échapper se joignant à ses maux, une fièvre ardente l’avait saisi. Il marchait douloureusement, appesanti par la fatigue de plusieurs nuits sans sommeil. Il avait déjà demandé plusieurs fois à Ramorino quelle route, on suivait, pourquoi on n’allait pas à St-Julien, pourquoi on ne se dirigeait pas sur Bonneville ; et, à tort ou à raison, les réponses de Ramorino l’avaient alarmé, lui paraissant évasives. Il l’alla trouver une dernière fois au bivouac de Carra. Le général était couché près du feu, dans son manteau. Mazzini lui dit, dans l’égarement de la fièvre, qu’il fallait aller du côté où il y avait espoir de se battre ; que si vaincre était impossible, il fallait du moins prouver à l’Italie que les patriotes restaient fidèles à leurs engagements et savaient mourir. Ramorino répondit que courir au-devant de dangers stériles serait plus qu’une imprudence, et qu’il y aurait folie à faire moissonner, sans utilité pour la cause commune, la fleur de la jeunesse italienne. Mazzini le regardait d’un œil hagard, le visage altéré et le cœur plein de trouble. En ce moment des coups de feu retentissent. Ramorino se lève précipitamment. Mazzini court au faisceau et saisit sa carabine en remerciant Dieu de leur envoyer l’ennemi. Mais il avait le délire. Ses compagnons lui apparurent comme des spectres. Il chancela, tomba sans connaissance ; et