Page:Blanc - Histoire de dix ans, tome 4.djvu/338

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de se méprendre éternellement sur la nature et les caractères de la force. La force ! rien ne la prouve mieux que le pouvoir de se montrer.clément avec impunité ; et ceux-là font de leur faiblesse un aveu bien humiliant, qui se déclarent hors d’état d’être généreux sans péril.

Voilà ce que seul comprit, dans le Conseil, le maréchal Gérard ; et, chose singulière ! son principal adversaire ne fut pas M. Guizot, ce fut M. Thiers. M. Thiers était loin d’être cruel, pourtant ; et il avait assez de largeur dans l’esprit pour savoir qu’en fait de répressions violentes, tout ce qui n’est pas absolument nécessaire est nuisible. Mais il s’était abandonné aux entraînements d’un amour-propre qui ne fut pas exempt d’enfantillage. Parce que la presse demandait l’amnistie avec hauteur, parce que les républicains en danger dédaignaient fièrement de la demander, il s’était persuadé qu’il y aurait à l’accorder manque d’énergie, manque de courage ; et quoiqu’il n’aimât point à courir après l’impopularité, à la façon de M. Guizot, c’est-à-dire fastueusement et avec l’affectation du dédain, il s’oublia, cette fois, jusqu’à savourer plus complaisamment que M. Guizot lui-même les jouissances de l’impopularité bravée. Le roi, d’ailleurs, repoussait l’amnistie. Or, comme il était convenable que, dans une question aussi délicate, le roi s’effaçât le plus possible, M. Thiers se plaisait à « le couvrir. »

Le maréchal Gérard, de son côté, avait noblement lié son existence ministérielle à l’adoption de l’amnistie, et les encouragements ne lui manquaient pas. Il s’était formé depuis peu, à la Cham-