Page:Blanc - Histoire de dix ans, tome 4.djvu/419

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s’écria-t-il avec une impétuosité extraordinaire. Oui, nous protestons devant la parodie de vos réquisitoires, comme nous l’avons fait devant la mitraille. Nous protestons sans crainte, en hommes fidèles à leurs serments, et dont la conduite vous condamne, vous qui en avez tant prêtés et tant trahis ! » La haute taille de l’accusé, son air martial, la fierté de sa contenance et de son geste, tout ajoutait à l’effet de cette violente apostrophe. Sur l’ordre du président, plusieurs gardes municipaux l’entourent, le saisissent. Mais lui, dans un état d’exaltation croissante : « A votre aise, Messieurs, condamnez-nous sans nous entendre ; envoyez à la mort sans avoir admis leurs défenseurs, les soutiens de cent cinquante familles d’hommes du peuple : moi, je vous condamne à vivre, car notre sang ne lavera pas les stigmates gravés sur vos fronts par celui du brave des braves. » Et pressé par les gardes, il reculait, les yeux toujours fixés sur ses juges. Il sortit enfin et la lecture de l’acte d’accusation put être reprise. Dans les audiences qui suivirent, jusqu’au jour où cette lecture fut achevée, le tumulte ne se reproduisit qu’une fois. Mais, dès le 13 mai, il ne restait plus sur les bancs que 23 prévenus, et l’on devait naturellement s’attendre à voir recommencer la crise aussitôt qu’on aborderait les débats.

Il est triste d’avoir à parler des moyens auxquels, pour la conjurer, le pouvoir eut recours. Il avait fait ramener à l’abbaye les sous-officiers de Lunéville, à Sainte-Pélagie les Parisiens, et à la Conciergerie les Lyonnais rebelles, ne retenant dans la