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y fut amené à combattre la primauté de l’évêque de Rome, à nier qu’elle fût de droit divin, à rejeter la tradition ecclésiastique, à accepter, du moins en partie, l’héritage révolutionnaire du martyr de Constance. S’il l’emporta ou non sur son adversaire par l’érudition et l’éloquence, la question, violemment débattue autrefois, est aujourd’hui pour nous sans intérêt. C’est le résultat qui nous importe, et le résultat se trouve dans la nature des trois déclarations suivantes, qu’allaient se renvoyer tous les échos de l’Allemagne :

« J’accorde que l’Église militante est une monarchie ; mais son chef, ce n’est pas un homme, c’est Christ[1]. « Si, en parlant de l’édification de l’Église, saint Augustin et les autres Pères, tous ensemble, ont voulu désigner par le mot pierre l’apôtre saint Pierre, je leur résisterai, moi seul[2] .

« Il est certain que, parmi les articles de Jeau Huss ou des Bohémiens, beaucoup sont parfaitement chrétiens et conformes à l’Évangile[3] »

Ainsi, plus de souveraineté humaine fondée sur le droit divin ; à la place du principe d’autorité, le sentiment individuel ; et, pour toute tradition , celle des révoltes de la conscience injustement opprimée.

Il y avait au bout de telles nouveautés une révolution et des abîmes. L’évêque de Brandebourg en fut si profondément ému, qu’il s’écria, en jetant au feu un tison : « Que ne puis-je de la sorte jeter dans les flammes ce Martin Luther[4] ! » Comme défenseur du vieux monde, l’évêque de Brandebourg avait raison de s’effrayer : la Réformation venait de pousser son cri de guerre.

Était-ce un cri sauveur ? Le pape une fois abattu. Luther entendait-il pousser droit aux maîtres de la terre ? Le peuple souffrait par l’âme et par le corps, il était superstitieux et misérable : double servitude à détruire ! Luther entendait-il y porter la main ? Non ; car,

  1. « Monarchiam Ecclesiæ mililantis...» Omn. oper. Lutheri, t. I, p. 200, A.
  2. « Résistai, eis ego unus. » Omn. oper. Lutheri, t.I, p 207, B.
  3. « Hoc certum est inter articulos Joh. Huss...» Omn. oper. Lutheri, t. 1, p. 268, A,
  4. Seckeudori, Comment. de Lulheranismo, lib. I, p.80.