Page:Blanc - Histoire de la révolution française, 1878, tome 1.djvu/50

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il jeta dans les flammes le livre des décrétâles et la bulle[1].

Or, dès le 1er décembre, il avait protesté par le fameux écrit intitulé « Contre l'exécrable lutte de l'Antéchrist. J’aimerais mieux mourir mille fois que de rétracter une seule syllabe des articles condamnés. Et de même qu’ils m’excommunient, pour leur sacrilège hérésie, je les excommunie, moi, au nom de la sainte vérité de-Dieu. Christ, notre juge, verra des deux excommunications laquelle vaut[2]»

Le pape excommunié à la face des nations , et par le fils d’un obscur mineur de Mansfeld ! Ce fut en Allemagne un tressaillement universel. Les villes savantes s’ébranlèrent à la voix de mille puissants écoliers. Les livres du réformateur ne suffisaient plus à l’attente. D’anciens religieux les colportaient. A Nuremberg, à Strasbourg, à Mayence, on se passait, de main en main, humides encore, les feuilles qui portaient, fixée dans une indélébile empreinte, la condamnation de Rome. Et à ce rapide essor des pensées d’un moine, à cette illumination si menaçante et si soudaine de la Germanie, on put reconnaître ce que l’imprimerie avait apporté de nouveau parmi les hommes. Luther, il l’a dit lui-même, se sentait porté par le vent populaire[3]. Luther remplissait l’Allemagne. Il est vrai que devant lui pouvait se dresser, sérieuse et irritée, la figure de Charles-Quint ; mais il avait pour lui la circonspection de ce même empereur, jeune alors, et qui, par la timidité, s’essayait à la prudence ; il avait pour lui les désordres introduits dans l'Église, les fêtes où Léon X oubliait son empire miné, l’épuisement des anciennes formes de l’oppression, et ce besoin du changement qui est la vie de l’histoire.

Le mouvement de l’Allemagne était trop vif pour ne pas se communiquer à l’Europe. Le Nord inclinait à

  1. Exustionis antichristianarum decretalium acta. Omn.oper. Lutheri» t. II, p. 3 0, A.
  2. « Christus judex viderit utra excommunicatio apud eum valeat.» Omn.oper. Lutheri t. II, p. 292,A.
  3. « Fovebat me aura ista popularis. » Omn. oper. Lutheri, t.I, prœfatio.