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ORGANISATION

ment du devoir. L’intérêt personnel n’est qu’un ressort secondaire. »

Oui, je crois et je me sens heureux de croire à la puissance des idées de devoir, convenablement développées par l’éducation. En ceci, l’accusation me plaît, je l’accepte, je m’en honore. Mais, comme M. Michel Chevalier et comme tout le monde, je pense que l’activité humaine a dans l’intérêt personnel un très-énergique, un incontestable mobile. Seulement, on m’accordera bien que l’intérêt personnel doit, pour ne pas agir sur la société d’une manière subversive, se concilier avec les sentiments du devoir ; on m’accordera bien qu’un ordre social est fondamentalement vicieux, lorsqu’au lieu de rendre cette conciliation permanente et naturelle, il tend au contraire à la rendre impossible. Or là est toute la question.

Par sa nature, le régime de la concurrence donne à l’intérêt personnel une direction antisociale, des encouragements contraires au sentiment du devoir ; c’est pour cela qu’il faut le combattre. Il ne s’agit donc pas pour nous de nier puérilement la puissance de l’intérêt personnel, mais d’ennoblir cette puissance, de l’épurer et de la féconder.

Que voyons-nous dans la société telle que la concurrence l’a faite ? La concurrence a donné à l’intérêt personnel les ailes et la rapacité du vautour. Dans toutes les avenues de la fortune, des milliers de rivaux frémissants se sont élancés pêle-mêle, et ils s’y pressent avec rage, ils s’y heurtent, ils s’y renversent l’un sur l’autre. L’anarchie industrielle, qu’on ose décorer du beau nom de li-