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ORGANISATION

je n’aurais pas l’honneur d’être à vous comme je l’ai, écrivait Mairet au duc de Montmorency, et que le don que je vous ai fait de moi ne m’eût pas ôté la liberté de disposer de mes actions, je ne sais personne en France à qui plus justement qu’à vous je puisse présenter, comme je le fais, les premiers fruits de mon estude. » On voit tout ce qu’une semblable condition avait d’humiliant. Elle ne devait cesser néanmoins qu’avec le régime qui la consacrait. Jean-Jacques Rousseau, pour ne l’avoir pas voulu subir, fut impitoyablement calomnié dans son indépendance par ses jaloux confrères : moins heureux que Diderot, ce favori de Catherine II ; moins heureux que Voltaire, cet ami du grand Frédéric ; moins heureux que Grimm, ce courtier de tous les souverains philosophes du dix-huitième siècle. Pour changer cet état de choses, il ne fallait pas moins qu’une révolution, et, la veille même de cette révolution, ne trouve-t-on pas l’auteur du Voyage du jeune Anacharsis vivant à l’ombre de la faveur du duc de Choiseul, dans le riant exil de Chanteloup !

Vint 89, date à jamais célèbre ! Les écrivains alors cessèrent d’appartenir à quelqu’un ; mais, forcés de spéculer sur leurs œuvres, ils appartinrent à tout le monde. S’ils y ont gagné, je l’ignore ; mais certainement la société y a perdu. À quoi se réduisaient en effet les obligations de cette vie dépendante que l’homme de lettres me-