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DU TRAVAIL.

La propriété littéraire est donc condamnée sans appel par son principe même ; mais elle l’est bien plus rigoureusement encore par ses conséquences.

Si le droit de propriété littéraire est reconnu, il faut d’abord le rendre héréditaire et perpétuel ; car, de deux choses l’une : ou il est contraire à l’intérêt social, et alors pourquoi en consacrer le principe ? Ou il est conforme à l’intérêt social, et alors pourquoi en limiter l’usage ? Dans le premier cas, l’attentat est sans excuse ; dans le second, l’inconséquence est monstrueuse.

Rien de plus pitoyable, en vérité, que cette discussion qui roule sur le point de savoir si le privilége des auteurs leur survivra pendant dix, trente ou cinquante ans. Ce n’est pas là évidemment la question.

Or, à quel danger la société ne s’expose-t-elle pas en consacrant la perpétuité du droit des auteurs ? Dans un article plein de sens et de verve, le National disait : « Si vous consacrez le droit de propriété de l’auteur, que devient l’intérêt général ? Est-ce l’auteur lui-même qui le garantira ? Et savez-vous par quelles phases mobiles cet auteur lui-même pourra passer ? Ignorez-vous la biographie des écrivains les plus illustres ? Racine, voué dans sa vieillesse à la traduction des psaumes, ne voulait-il pas détruire Phèdre et Andromaque ? La Fontaine, assailli par son confesseur, n’avait-il pas ordonné de brûler ses contes ? Je