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ORGANISATION

comme le tentateur à Jésus :Si cadens adoraveris me, et le poëte se prosterne ! Eh bien ! Tant qu’il nous restera un souffle de vie, et dût notre voix se perdre dans l’immense clameur de toutes les cupidités en émoi, nous combattrons, nous, ces tendances dégradantes ; nous demanderons que le désintéressement soit conservé au nombre des grandes vertus ; nous demanderons que l’honneur, que la gloire, que la satisfaction du devoir rempli, ne cessent pas d’être proposés pour but et pour récompense à l’activité humaine ; nous demanderons qu’on n’appauvrisse pas l’homme à ce point, qu’il ne lui reste plus d’autre mobile que l’amour de l’or. Et à ceux qui ne savent pas tout ce qu’il doit y avoir de noblesse dans l’âme d’un écrivain, nous rappellerons ces sublimes paroles de Jean-Jacques[1] :

« Non, non, je le dis avec autant de vérité que de fierté ; jamais, en aucun temps de ma vie, il n’appartint à l’intérêt ni à l’indigence de m’épanouir ou de me serrer le cœur. Dans le cours d’une vie inégale et mémorable par ses vicissitudes, souvent sans asile et sans pain, j’ai toujours vu du même œil l’opulence et la misère. Au besoin, j’aurais pu mendier ou voler comme un autre, mais non pas me troubler pour en être réduit là. Jamais la pauvreté ni la crainte d’y

  1. Confessions, t. Ier, p. 134-135.