Page:Blanqui - Cours d’économie industrielle 1837-1838.djvu/129

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— Et dans un autre passage, il s’exprime ainsi : « Un homme qui naît dans un monde déjà occupé, si sa famille n’a pas les moyens de le nourrir, ou si la société n’a pas besoin de son travail, cet homme, dis-je, n’a pas le moindre droit à réclamer une portion quelconque de nourriture, et il est réellement de trop sur la terre. Au grand banquet de la nature, il n’y a point de couvert mis pour lui. La nature lui commande de s’en aller, et elle ne tardera pas à mettre elle-même cet ordre à exécution. »

Ce passage est atroce, et pourtant Malthus est un honnête homme, pour le caractère duquel, dit un de ses adversaires, il est impossible de n’avoir pas autant d’estime, que d’horreur pour ses doctrines. Mais, vous le savez, Messieurs, tout homme a son aberration plus ou moins grande, et Malthus a eu la sienne. Plus tard, il avouait « qu’il avait trop tendu l’arc dans un sens ; mais, disait-il, il n’y a pas grand mal ; comme on a l’habitude de trop le tendre de l’autre il s’établira une moyenne raisonnable. » Quoi qu’il en soit, il a rayé de son livre le passage désolant que je viens de vous lire. À cela près, les idées sont restées les mêmes, et sa doctrine, quoique formulée en termes différents et plus conformes à l’opinion publique, n’en est pas moins restée anti-humaine et sanguinaire. D’ailleurs, comme l’Essai sur la population était franc et net, il plut, comme je vous l’ai déjà dit, et il plut surtout aux gouvernements ; car il leur disait : À quoi bon vous inquiéter de la misère de certaines classes ; rien n’est plus naturel, et la meilleure