Page:Blasco-Ibáñez - Les Quatre Cavaliers de l’Apocalypse.djvu/108

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de mélanges dans le cours des siècles ? Si les Germains se sont mis de telles sottises dans la tête, c’est qu’ils sont aveuglés par l’orgueil. Les systèmes scientifiques qu’ils inventent ne visent qu’à justifier leur absurde prétention de devenir les maîtres du monde. Ils sont atteints de la folie de l’impérialisme.

— Mais, interrompit Jules, tous les peuples forts n’ont-ils pas eu leurs ambitions impérialistes ?

— J’en conviens, reprit Argensola, et j’ajoute que cet orgueil a toujours été pour eux un mauvais conseiller ; mais encore est-il équitable de reconnaître que la qualité de l’impérialisme varie beaucoup d’un peuple à l’autre et que, chez les nations généreuses, cette fièvre n’exclut pas les nobles desseins. Les Grecs ont aspiré à l’hégémonie, parce qu’ils croyaient être les plus aptes à donner aux autres hommes la science et les arts. Les Romains, lorsqu’ils étendaient leur domination sur tout le monde connu, apportaient aux régions conquises le droit et les formes de la justice. Les Français de la Révolution et de l’Empire justifiaient leur ardeur conquérante par le désir de procurer la liberté à leurs semblables et de semer dans l’univers les idées nouvelles. Il n’est pas jusqu’aux Espagnols du xvie siècle qui, en bataillant contre la moitié de l’Europe pour exterminer l’hérésie et pour créer l’unité religieuse, n’aient travaillé à réaliser un idéal qui peut-être était nébuleux et faux, mais qui n’en était pas moins désintéressé. Tous ces peuples