Page:Blasco-Ibáñez - Les Quatre Cavaliers de l’Apocalypse.djvu/14

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et il se fit un profond silence : le commandant allait parler. Ce brave marin, qui joignait à ses fonctions nautiques l’obligation de prononcer des harangues aux banquets et d’ouvrir les bals avec la dame la plus respectable du bord, se mit à débiter un chapelet de paroles qui ressemblaient à des grincements de portes. Jules, qui savait un peu d’allemand, saisit au vol quelques bribes de ce discours. L’orateur répétait à chaque instant les mots « paix » et « amis ». Un Allemand courtier de commerce, assis à table près du peintre, s’offrit à celui-ci comme interprète, avec l’obséquiosité habituelle des gens qui vivent de réclame, et il donna à son voisin des explications plus précises.

— Le commandant demande à Dieu de maintenir la paix entre l’Allemagne et la France, et il espère que les relations des deux peuples deviendront de plus en plus amicales.

Un autre orateur se leva, toujours à la table que présidait le marin. C’était le plus considérable des passagers allemands, un riche industriel de Dusseldorff, nommé Erckmann, qui faisait de grosses affaires avec la République Argentine. Jamais on ne l’appelait par son nom. Il avait le titre de « Conseiller de Commerce », et, pour ses compatriotes, il était Herr Commerzienrath, comme son épouse était Frau Rath. Mais ses intimes l’appelaient aussi « le Capitaine » : car il commandait une compagnie