Page:Blasco-Ibáñez - Les Quatre Cavaliers de l’Apocalypse.djvu/255

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

avait reçu l’ordre de sévir contre son oncle. Celui-ci baissa la tête.

Mais, l’instant d’après, le capitaine parut oublier ce qu’il venait de dire et affecta de reprendre un ton aimable. Il se faisait un plaisir de présenter Marcel à Son Excellence le général comte de Meinbourg, qui, en considération de ce que Desnoyers était allié aux Hartrott, voulait bien faire à celui-ci l’honneur de l’admettre à sa table.

Invité dans sa propre maison, le châtelain entra dans la salle à manger où se trouvaient déjà une vingtaine d’hommes vêtus de drap grisâtre et chaussés de hautes bottes. Là rien n’avait été brisé : rideaux, tentures, meubles étaient intacts. Toutefois les buffets monumentaux présentaient de larges vides, et, au premier coup d’œil, Marcel constata que deux riches services de vaisselle plate et un précieux service de porcelaine ancienne manquaient sur les tablettes. Le propriétaire n’en dut pas moins répondre par des saluts cérémonieux à l’accueil que lui firent les auteurs de ces rapines, et serrer la main que le comte lui tendit avec une aristocratique condescendance, tandis que les autres officiers allemands considéraient ce bourgeois avec une curiosité bienveillante et même avec une sorte d’admiration : car ils savaient déjà que c’était un millionnaire revenu du continent lointain où les hommes s’enrichissent vite.

— Vous allez déjeuner avec les barbares, lui dit le