Page:Blasco-Ibáñez - Les Quatre Cavaliers de l’Apocalypse.djvu/339

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près de la pièce, prêt à faire feu. Cet homme devait être sourd : pour lui, la vie n’était qu’une série de saccades et de coups de tonnerre. Mais sa face abrutie ne laissait pas d’avoir une certaine expression d’autorité : il connaissait son importance ; il était le serviteur de l’ouragan ; c’était lui qui déchaînait la foudre.

— Les Allemands tirent, dit l’artilleur qui était au téléphone, près de la pièce la plus rapprochée du sénateur et de son compagnon.

L’observateur placé dans la tour venait d’en donner avis. Aussitôt le capitaine chargé de servir de guide au personnage avertit celui-ci qu’il convenait de se mettre en sûreté. Lacour, obéissant à l’instinct de la conservation et poussé aussi par son fils qui lui faisait hâter le pas, se réfugia avec Marcel à l’entrée d’un abri ; mais il ne voulut pas descendre au fond du refuge souterrain : désormais la curiosité l’emportait chez lui sur la crainte.

En dépit du tintamarre que faisaient les canons français, Lacour et Desnoyers perçurent l’arrivée de l’invisible obus allemand. Le passage du projectile dans l’atmosphère dominait tous les autres bruits, même les plus voisins et les plus forts. Ce fut d’abord une sorte de gémissement dont l’intensité croissait et semblait envahir l’espace avec une rapidité prodigieuse. Puis ce ne fut plus un gémissement ; ce fut un vacarme qui semblait formé de mille grincements,