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et passait au piano des journées entières à tapoter des exercices avec une conscience désespérante.

— Grand Dieu ! s’écriait le père exaspéré par cette rafale de notes. Si au moins elle jouait la jota et la pericón[1] !

Et, à l’heure de la sieste, il s’en allait dormir sur son hamac, au milieu des eucalyptus, pour échapper à ces interminables séries de gammes ascendantes et descendantes. Il l’avait surnommée « la romantique », et elle était continuellement l’objet de ses algarades ou de ses moqueries. Où avait-elle pris des goûts que n’avaient jamais eus son père ni sa mère ? Pourquoi encombrait-elle le coin du salon avec cette bibliothèque où il n’y avait que des romans et des poésies ? Sa bibliothèque, à lui, était bien plus utile et bien plus instructive ; elle se composait des registres où était consignée l’histoire de toutes les bêtes fameuses qu’il avait achetées pour la reproduction ou qui étaient nées chez lui de parents illustres. N’avait-il pas possédé Diamond III, petit-fils de Diamond I qui appartint au roi d’Angleterre, et fils de Diamond II qui fut vainqueur dans tous les concours !

Marcel était depuis cinq ans dans la maison lorsque, un beau matin, il entra brusquement au bureau de Madariaga.

  1. Airs de danse. — G. M.