Page:Bloy - Exégèse des Lieux Communs, Mercure de France, 1902.djvu/123

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Il tient donc absolument à ne pas souffrir en crevant. Pourquoi sortir avec douleur d’une vie faite, en somme, pour qu’on en jouisse jusqu’au dernier soupir inclusivement et qui devrait être une « si charmante promenade », comme disait Renan, le philosophe entripaillé qui eut une si belle fin, — étant mort, un beau jour, tout à fait sous lui, en se vidant de son âme ?


LXIII

On dirait qu’il dort.


Il est sans exemple qu’un pauvre corps exposé, que ce soit celui d’un bourgeois ou d’un héros, ait échappé à ce Lieu Commun. Ce n’est pas assez de mourir, il faut encore passer par là. Combien de fois et avec quelles crispations l’ai-je entendu !

Mais, ô Dieu ! quel sommeil ! J’en ai vu de ces cadavres gras et terreux et sombres, paraissant amalgamés déjà, qui étaient terribles et lamentables comme la Sottise morte.

J’en ai vu d’autres, des « bienheureux » probablement, à qui le travail de l’agonie avait restitué leur caractère de bêtes, plus ou moins caché toute la vie par les inutiles mouvements de leurs âmes.