Page:Bloy - Exégèse des Lieux Communs, Mercure de France, 1902.djvu/16

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
14
exégèse des lieux communs

bonheur, devenant, à leur tour, des Olympiens.

Savent-ils, pourtant, ces buveurs d’un sale nectar, qu’il n’y a rien de si audacieux que de contremander l’Irrévocable, et que cela implique l’obligation d’être soi-même quelque chose comme le Créateur d’une nouvelle terre et de nouveaux cieux ?

Évidemment, si on donne sa parole d’honneur que « rien n’est absolu », l’arithmétique, du même coup, devient exorable et l’incertitude plane sur les axiomes les plus incontestés de la géométrie rectiligne. Aussitôt, c’est une question de savoir s’il est meilleur d’égorger ou de ne pas égorger son père, de posséder vingt-cinq centimes ou soixante-quatorze millions, de recevoir des coups de pied dans le derrière ou de fonder une dynastie.

Enfin, toutes les identités succombent. Il n’est pas « absolu » que cet horloger qui est né en 1859, pour l’orgueil de sa famille, n’ait aujourd’hui que quarante-trois ans et qu’il ne soit pas le grand-père de ce doyen de nos emballeurs qui fut enfanté pendant les Cent Jours, — de même qu’il serait téméraire de soutenir qu’une punaise est exclusivement une punaise et ne doit pas prétendre aux panonceaux.

En de telles circonstances, on en conviendra, le devoir de créer le monde s’impose.