Page:Bloy - Exégèse des Lieux Communs, Mercure de France, 1902.djvu/223

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on pensait, moins on échappait à ces tigres. Que de larmes ! que de cris ! que de hurlements de désespoir ! et, de ma part, que de juvéniles épiphonèmes ! que d’imprécations ! Tout cela venant à se combiner avec les hennissements euphoniques de la puberté, je commençai à devenir moi-même un penseur…

Le décor et la mise en scène des supplices ont quelque chose de si captivant que des hommes qu’on aurait pu croire situés à une certaine distance des boutiques et qui n’étaient pas nécessairement séquestrés dans une ignorance imprenable, des poètes tels que Victor Hugo et Villiers de l’Isle-Adam, ont navigué avec bonheur dans les vieux bateaux à voiles de l’Inquisition d’Espagne. Chacun d’eux a fait son Torquemada.

Villiers seul, qui se croyait catholique, s’est avisé d’un Pierre d’Arbuès, premier inquisiteur de la foi en Aragon, assassiné par les Juifs, en 1485 au pied de l’autel et canonisé par Pie IX. Ce saint et même ce martyr est montré par l’auteur des Histoires insolites dans la posture d’un opiniâtre et sanguinolent papelard qui exhorte à l’amour divin en faisant craquer les os…

Alors que voulez-vous ! On a envie de les embrasser en pleurant, les bourgeois et leurs sous-bourgeois qui poussent dans l’ombre de ces montagnes et qui, peut-être, crétinisent avec innocence.