Page:Bloy - Exégèse des Lieux Communs, Mercure de France, 1902.djvu/239

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au-devant de sa poitrine, soulignait assez clairement un clin d’yeux qui en disait long.

Le curé lui-même, auteur praliné d’un livre sur la Pureté d’intention, les consolait avec amour, les exhortant à porter leur croix jusqu’à ce qu’il plût à Dieu de les en débarrasser. Bref, ils jouissaient de la sympathie universelle et, quand on apprit la mort du petit Chien, le quartier se sentit allégé d’un poids.

Oh ! ses parents ne l’avaient pas tué. Ils l’avaient fait vivre vite, rien de plus. Ce n’était pas leur faute, après tout, si les enfants n’ont pas l’endurance des chameaux de Tartarie. Celui-là avait à peine cinq ans et on le forçait à marcher jusqu’à des dix heures par jour pour lui faire de la santé. La nourriture, toujours succulente, était en proportion de ce salutaire exercice. Jamais enfant ne fut mieux nourri. Quant au sommeil, on s’arrangeait pour qu’il n’en abusât pas, et comme on le destinait à la carrière des armes, on l’y préparait déjà, en multipliant les alertes nocturnes. Etc., etc.

Le futur soldat fut expédié en quelques mois. Quelqu’un qui voit à travers les murs m’a dit que, lorsque ces deux monstres étaient seuls avec leur victime, ils décollaient leurs masques et que c’était épouvantable. Pauvre petit être sans défenseur ! Les détails ne peuvent s’écrire… On sait que les larmes des faibles sont, pour les bourgeois, comme du vin de la Vigne de Dieu…