Page:Bloy - Le Désespéré.djvu/264

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— Aïe ! fit Marchenoir. Ce dernier mot me gâte le reste. Depuis que tu as commencé de parler, je l’attendais. Cette recommandation surérogatoire, qui n’a l’air de rien, ressemble à ces insignifiantes clauses jetées indifféremment au bout d’un contrat, en manière de paraphe destiné à vider la plume, et qui suffisent pour tout annuler. Tu devrais pourtant le savoir, mon vieux Georges. Ces gens-là sont la vermine de tout le monde et il est impossible de tomber sur la peau de n’importe qui, sans les atteindre. Or, je suis incapable, ceci est bien connu, de concevoir le journalisme autrement que sous la forme du pamphlet. Que diable veut-on que je fasse, alors ? Je ne peux pourtant pas me mettre à écrire des pastorales optimistes ou des psychologies de potache inspiré, genre Dulaurier !

— Mais, sacrebleu ! reprit Leverdier, tout le monde sait parfaitement ce que tu peux faire, et Beauvivier l’ignore moins que personne. S’il te sollicite, c’est qu’apparemment, il a besoin de ta virilité ou même de tes violences. J’ai trouvé un homme d’une politesse exquise, irréprochable, — une tranche de galantine pourrie, supérieurement glacée, — mais crispé, vibrant de je ne sais quoi. Il est clair qu’il veut étonner quelqu’un ou renverser quelque chose et qu’il prend en location ta catapulte, en vue de produire un effet de démolition ou de simple intimidation que nous n’avons aucun moyen de conjecturer. Qu’importe ? Cette canaille a trop d’esprit pour te demander jamais d’être son complice. Mais tes haines connues peuvent le servir à ton insu. Il arrivera, pour la millionième fois, que l’indignation d’un honnête homme aura favorisé les combinaisons