Page:Bloy - Le Désespéré.djvu/375

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allait se précipiter vers elle pour la relever, quand la pauvre sainte, qui n’avait pas remarqué son intrusion, se mit à parler.

— Mon Bien-Aimé, disait-elle, d’une voix entrecoupée, que Vous êtes dur pour ceux qui Vous aiment ! Ils ne sont pas trop nombreux, cependant ! Que n’a-t-il pas fait pour Vous, ce malheureux homme qui ne respire que pour Votre gloire ?… Il n’est pas pur devant Vous, c’est bien possible… Hé ! qui donc est pur ? Mais il a toujours donné tout ce qu’il avait, il a pleuré avec tous ceux qui étaient en travail de douleurs et il a eu pitié de Vous-même dans la personne de ceux que Votre Église appelle les membres souffrants de Votre Majesté sacrée… Est-il juste, dites-moi, qu’il soit mis dans le feu pour avoir voulu sauver Madeleine ?…

Puis, dans une sorte de transport, et sa raison se déréglant, elle se mit à invectiver contre son Dieu. Marchenoir, au comble de l’épouvante, voyait ses plus procellaires emportements de blasphémateur par amour, dépassés par cette ingénue qu’il avait tirée de l’extrême ordure, comme un diamant du limon, et dont il thésaurisait, depuis deux ans, les paradoxales innocences.

— Tout ce que Vous voudrez, criait presque la délirante, excepté cette iniquité qui Vous déshonore ! Replongez-moi, s’il le faut, dans la fosse horrible où il m’a prise, et ensuite, jetez-moi, comme un haillon dégoûtant, dans Votre enfer sempiternel. Si Vous me damnez, je suis bien sûre, au moins, que je ne grincerai pas des dents !

Soudain, comme si la présence de son pantelant ami, immobile et debout à l’extrémité de son ora-