Page:Bloy - Le Désespéré.djvu/414

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ront très bien, quand il nous plaira, car nous avons attentivement écouté les leçons de vos professeurs de chimie et nous avons inventé de petits engins qui vous émerveilleront !

Quant à vos personnes, elles s’arrangeront pour acclimater leur dernier soupir sous la semelle sans talon de nos savates éculées, à quelques centaines de pas de vos intestins fumants ; et nous trouverons, peut-être, un assez grand nombre de cochons ou de chiens errants, pour consoler d’un peu d’amour vos chastes compagnes et les vierges très innocentes que vous avez engendrées de vos reins précieux…

Après cela, si l’existence de Dieu n’est pas la parfaite blague que l’exemple de vos vertus nous prédispose à conjecturer, qu’il nous extermine à son tour, qu’il nous damne sans remède, et que tout finisse. L’enfer ne sera pas, sans doute, plus atroce que la vie que vous nous avez faite.

Mais, dans ce cas, il sera forcé de confesser devant tous ses anges, que nous aurons été ses instrument pour vous consumer, car il doit en avoir assez de vos visages ! Il doit être, au moins, aussi dégoûté que nous, cet hypothétique Seigneur ; il vous a, sans doute, vomis cent fois, et, si vous subsistez, c’est qu’apparemment, il a l’habitude de retourner à ses vomissements !

Tel est le cantique des modernes pauvres, à qui les heureux de la terre, — non satisfaits de tout posséder, — ont imprudemment arraché la croyance en Dieu. C’est le Stabat des désespérés !

Ils se sont tenus debout, au pied de la Croix, depuis la sanglante Messe du grand Vendredi, — au milieu des ténèbres, des puanteurs, des dérélictions,