Page:Boccace - Décaméron.djvu/238

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   Qui nous créa, aies pitié
   De moi qui, pour un autre,
   Ne puis t’oublier ; fais que je sente
   Que cette flamme n’est pas éteinte
   Dont tu brûlas pour moi,
   Et obtiens que là-haut j’aille te rejoindre.

Ici Lauretta termina sa canzone qui, louée par tous, fut diversement comprise. Quelques-uns, voulant l’entendre à la milanaise, soutinrent qu’un bon porc vaut mieux qu’une belle fille. D’autres furent d’une opinion plus relevée, meilleure et plus vraie ; mais je n’ai point à en parler pour le moment. Après cette chanson, le roi, ayant fait placer de nombreux flambeaux sur l’herbe et parmi les fleurs, en fit chanter plusieurs autres, jusqu’à ce que toutes les étoiles qui étaient sur l’horizon eurent disparu. Sur quoi, estimant qu’il était l’heure de dormir, il souhaita la bonne nuit et ordonna à chacun de regagner sa chambre.