Page:Boccace - Décaméron.djvu/475

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ne savait pas, mes dames, quelle chose c’est que d’avoir à faire aux écoliers.

« La servante étant allée trouver Rinieri, fit ce que sa maîtresse lui avait ordonné. L’écolier, rempli de joie, se mit à adresser de plus chaudes prières, à écrire des lettres, à envoyer des présents, et tout cela était bien reçu ; mais aucune réponse ne lui était faite, sinon des réponses vagues et générales, et on le tint en cette guise pendant assez longtemps. Enfin, ayant tout découvert à son amant et celui-ci en ayant montré du dépit et quelque jalousie, la dame, pour lui montrer que ses soupçons étaient injustes, envoya sa servante vers l’écolier qui continuait à la solliciter vivement, pour lui dire de sa part qu’elle n’avait jamais pu satisfaire son désir depuis qu’il l’avait assurée de son amour, mais que pour les fêtes de la Nativité qui s’approchaient, elle espérait pouvoir se trouver avec lui, et pour ce qu’elle le priait de venir dans sa cour pendant la nuit du lendemain de la fête, si cela lui plaisait, et qu’alors elle viendrait le rejoindre le plus tôt qu’elle pourrait.

L’écolier, plus que tout autre joyeux, se rendit au jour indiqué à la maison de la dame, et là, ayant été introduit dans la cour par la servante, il se mit à y attendre la dame. Celle-ci ayant ce soir-là fait venir son amant, et ayant soupé joyeusement avec lui, lui dit ce qu’elle avait l’intention de faire cette nuit, ajoutant : « — Et tu pourras voir quel est le genre d’amour que j’ai porté et que je porte à celui dont tu es si sottement jaloux. — » L’amant écouta cette déclaration avec un grand plaisir, désireux de voir par des faits ce que la dame lui donnait à entendre par ses paroles. Il avait par hasard fortement neigé la veille et tout était couvert de neige ; pour quoi l’écolier, après être resté quelque temps dans la cour, commença à avoir plus froid qu’il n’aurait voulu ; mais, dans l’espoir de se restaurer bientôt, il supportait patiemment son mal. Au bout de quelque temps la dame dit à son amant : « — Allons-nous en dans ma chambre, et regardons par une petite fenêtre ce que fait celui dont tu es devenu jaloux, et ce qu’il répondra à la servante que j’ai envoyée lui parler. — » Étant donc allés à la fenêtre, et voyant sans être vus, ils entendirent la servante parler d’une autre fenêtre à l’écolier, et lui dire : « — Rinieri, Madame est la femme la plus contrariée qui fût jamais, pour ce que ce soir il lui est venu un de ses frères, lequel, après avoir longtemps causé avec elle, a voulu ensuite souper ; il n’est pas encore parti, mais je crois qu’il s’en ira bientôt. Voilà pourquoi elle n’a pas pu venir te trouver, mais elle viendra tout à l’heure, et elle te prie de l’attendre sans t’impatienter. — » L’écolier croyant que c’était la vérité, répondit : « — Tu diras à ma