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PRÉFACE DU TRADUCTEUR




En France, on s’imagine que Boccace est un auteur de contes plus licencieux les uns que les autres, et l’on dit en souriant d’un air malin : les contes de Boccace, comme on dirait : les contes de La Fontaine. Or, si rien n’est moins exact, rien ne saurait mieux donner la mesure de notre superbe indifférence en fait de littérature étrangère.

Quelqu’un qui nous avait observés de près a dit, avec autant d’à-propos hélas ! que d’esprit, que ce qui distingue les Français des autres peuples, c’est leur ignorance profonde en géographie ; il aurait pu aussi justement ajouter : leur ignorance à peu près complète des littératures étrangères. Les œuvres des écrivains étrangers sont quasi inconnues en France. Les lettrés — encore est-ce l’exception — savent le nom des plus illustres, connaissent le titre de leurs principaux ouvrages, au besoin peuvent en citer une phrase ou deux, et, grâce à ce mince bagage, acquièrent une facile réputation d’érudit. Mais combien y en a-t-il parmi nous qui se soient donné la peine d’étudier les chefs-d’œuvre que la renommée consacre au delà de nos frontières ? Combien y en a-t-il qui soient assez familiers avec la Divine Comédie de Dante, par exemple, pour parler avec quelque autorité de cet incomparable poème qui a tracé en pleine obscu-