Page:Bodin - Les Six Livres de la République, 1576.djvu/40

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

comme on reprochait[1] aux Lacedemoniens, qui appelaient leurs femmes maîtresses et dames : ce que faisaient bien aussi les Romains[2], ayant jà perdu la dignité maritale, et la marque virile de commander aux femmes. Combien que celles qui prennent si grand plaisir à commander aux maris efféminés, ressemblent à ceux qui aiment mieux guider les aveugles, que de suivre les sages et clairvoyants. Or la loi de Dieu et la langue sainte qui a nommé toutes choses selon sa vraie nature et propriété, appelle le mari Bahal, c’est à dire, le seigneur et maître. Pour montrer qu’à lui appartient de commander. Aussi les lois de tous les peuples, pour abaisser le cœur des femmes, et faire connaître aux hommes qu’ils doivent passer les femmes en sagesse et vertu, ont ordonné que l’honneur et splendeur de la femme dépendrait du mari. De sorte que si le mari est noble, il anoblit la femme roturière : et si la demoiselle épouse un roturier, elle perd sa noblesse. Jaçoit qu’il y eût anciennement quelques peuples, qui tiraient leur noblesse et qualité des mères, et non pas des pères, comme[3] les Lyciens, Delphiens, Xantiques, Ilienses, et quelques peuples Damasie, pour l’incertitude des pères : ou pour avoir perdu toute la noblesse en guerre, comme en Champaigne, où les femmes nobles anoblissent leurs maris roturiers, et leurs enfants pour la cause que j’ai dit. Combien que tous les Jurisconsultes tiennent qu’il ne se peut faire par coûtume, obstant le droit de tous les peuples, comme dit Herodote : qui veut que la femme tienne la condition, et suive la qualité du mari : et le pais : et la famille : et le domicile : et l’origine : et ores que le mari fût banni et vagabond, néanmoins la femme le doit suivre, et en cela, tous les Jurisconsultes et Canonistes s’accordent. Aussi toutes les lois et coûtumes ont fait le mari maître des actions de la femme, et de l’usufruit de tous les biens qui lui échéent, et ne permettent que la femme puisse être en jugement, soit en demandant, ou défendant sans l’autorité du mari, ou du juge à son refus : qui sont tous arguments indubitables, pour montrer l’autorité, puissance et commandement que le mari a sur la femme de droit divin et humain : et la sujétion, révérence, et obéissance que doit la femme au mari en tout honneur et chose licite. Je sais qu’il y a plusieurs clauses et conventions ès traités de mariages où les femmes ont stipulé qu’elles ne seraient en rien sujettes aux maris : mais telles pactions et stipulations ne peuvent empêcher la puissance et autorité du mari attendu qu’elles sont contraires au droit divin et humain, et à l’honnêteté publique, et sont de nul effet et valeur, de sorte même que les serments n’y peuvent obliger les maris.



DE LA PUISSANCE PATERNELLE, ET
s’il est bon d’en user comme les anciens Romains


CHAP. IIII.
  1. Aristot. lib.2. polit. Plutar. in laconicis.
  2. Tranquil. in claudio. i. uxorem de legat.3. l. titia. §. qui marito. de annis legat. & in l. ult.§. uxoti. de auro & argento.
  3. l.I. ad municipal. Plutar. de claris malierib.