Page:Boileau - Œuvres poétiques, édition 1872.djvu/249

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Qui, dans l’impression au grand jour se montrant[1],
Ne soutient pas des yeux le regard pénétrant.
On sait de cent auteurs l’aventure tragique :
Et Gombaut tant loué garde encor la boutique.
EtÉcoutez tout le monde, assidu consultant :
Un fat quelquefois ouvre un avis important.
Quelques vers toutefois qu’Apollon vous inspire,
En tous lieux aussitôt ne courez pas les lire.
Gardez-vous d’imiter ce rimeur furieux[2]
Qui, de ses vains écrits lecteur harmonieux,
Aborde en récitant quiconque le salue,
Et poursuit de ses vers les passans dans la rue.
Il n’est temple si saint, des anges respecté,
Qui soit contre sa muse un lieu de sûreté.
Je vous l’ai déjà dit[3], aimez qu’on vous censure,
Et, souple à la raison, corrigez sans murmure.
Mais ne vous rendez pas dès qu’un sot vous reprend.
MaSouvent dans son orgueil un subtil ignorant
Par d’injustes dégoûts combat toute une pièce,
Blâme des plus beaux vers la noble hardiesse.
On a beau réfuter ses vains raisonnemens :
Son esprit se complaît dans ses faux jugemens ;
Et sa foible raison, de clarté dépourvue,
Pense que rien n’échappe à sa débile vue.
Ses conseils sont à craindre ; et, si vous les croyez,
Pensant fuir un écueil, souvent vous vous noyez.
PeFaites choix d’un censeur solide et salutaire,
Que la raison conduise et le savoir éclaire,
Et dont le crayon sûr d’abord aille chercher

  1. Chapelain. (B.)
  2. Dupérier. Il composa d’abord d’assez bons vers latins, puis en composa en français qui ne valaient rien. Il voulait les réciter à tout le monde, et entreprit un jour Boileau malgré lui dans une église.
  3. Vers 191 et 192 du premier chant de l’Art poétique.