Page:Boileau - Œuvres poétiques, édition 1872.djvu/26

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si pure, de Racine, et on peut être sûr que Boileau la lui reprocha souvent dans les épanchements de l’amitié. Il n’avait pas de secret pour Racine, qui n’en avait pas pour lui. Ils se communiquaient leur prose et leurs vers, et mettaient en commun leurs sentiments, leurs intérêts, toute leur vie. Cette belle amitié commença en 1664. Boileau était déjà célèbre, et Racine, plus jeune, n’était guère connu que par une ode assez médiocre, la Renommée aux Muses. Boileau écrivit quelques notes critiques sur un exemplaire de cette ode, qui fut remis à Racine. Une entrevue s’ensuivit, et ce fut l’origine de leur liaison. Lorsque Racine mourut, trente-cinq ans après, Boileau vint recueillir le dernier soupir de son ami. Le malade se souleva avec peine, et lui dit en l’embrassant : « Je regarde comme un bonheur pour moi de mourir avant vous. » Boileau ne se consola jamais. Il vécut désormais loin de la cour, et se confina dans sa maison d’Auteuil. On lui conseillait de retourner à Versailles. « Qu’irais-je y faire ? répondait-il tristement. Je ne sais plus louer. »

Il n’avait jamais joui d’une forte santé. Il eut une extinction de voix qui dura près de deux ans, et dont les eaux de Bourbon eurent grand’peine à le guérir. Ses dernières années furent tourmentées par des infirmités. Il était sourd, sa vue était affaiblie. Il s’occupait à surveiller les dernières éditions de ses œuvres. Il jouissait de toute sa gloire, que personne ne lui contestait, et dont il ne doutait nullement. Il était convaincu que son siècle était un grand siècle,