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AU ROI.

LE PASSAGE DU RHIN[1].


En vain, pour te louer, ma muse toujours prête,
Vingt fois de la Hollande a tenté la conquête.
Ce pays, où cent murs n’ont pu te résister,
Grand roi, n’est pas en vers si facile à dompter.
Des villes que tu prends les noms durs et barbares
N’offrent de toutes parts que syllabes bizarres,
Et, l’oreille effrayée, il faut depuis l’Issel,
Pour trouver un beau mot courir jusqu’au Tessel.
Oui, partout de son nom chaque place munie
Tient bon contre le vers, en détruit l’harmonie.
Et qui peut sans frémir aborder Voërden ?
Quel vers ne tomberoit au seul nom de Heusden ?
Quelle muse à rimer en tous lieux disposée
Oseroit approcher des bords du Zuiderzée ?
Comment en vers heureux assiéger Doësbourg,
Zutphen, Wageninghen, Harderwic, Knotzembourg ?
Il n’est fort, entre ceux que tu prends par centaines,
Qui ne puisse arrêter un rimeur six semaines :
Et partout sur le Whal, ainsi que sur le Leck,

  1. Le passage du Rhin eut lieu le 12 juin 1072.