Page:Boileau - Œuvres poétiques, édition 1872.djvu/351

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Deux cents auteurs extraits m’ont prêté leurs lumières.
Non. Mais pour décider que l’homme, qu’un chrétien
Est obligé d’aimer l'unique auteur du bien,
Le Dieu qui le nourrit, le Dieu qui le fit naître,
Qui nous vint par sa mort donner un second être,
Faut-il avoir reçu le bonnet doctoral,
Avoir extrait Gamache, Isambert et du Val[1] ?
Dieu, dans son livre saint, sans chercher d’autre ouvrage,
Ne l’a-t-il pas écrit lui-même à chaque page ?
De vains docteurs encore, o prodige honteux !
Oseront nous en faire un problème douteux !
Viendront traiter d’erreur digne de l’anathème
L’indispensable loi d’aimer Dieu pour lui-même,
Et, par un dogme faux dans nos jours enfanté,
Des devoirs du chrétien rayer la charité !
Si j’allois consulter chez eux le moins sévère,
Et lui disois : « Un fils doit-il aimer son père ?
— Ah ! peut-on en douter ? » diroit-il brusquement.
Et quand je leur demande en ce même moment :
« L’homme, ouvrage d’un Dieu seul bon et seul aimable,
Doit-il aimer ce Dieu, son père véritable ? »
Leur plus rigide auteur n’ose le décider,
Et craint, en l’affirmant, de se trop hasarder !
Je ne m’en puis défendre ; il faut que je t’écrive
La figure bizarre, et pourtant assez vive,
Que je sus l’autre jour employer dans son lieu,
Et qui déconcerta ces ennemis de Dieu.
Au sujet d’un écrit qu’on nous venoit de lire,
Un d’entre eux[2] m’insulta sur ce que j’osai dire
Qu’il faut, pour être absous d’un crime confessé,

  1. Gamache, Isambert et du Val, disciples de la philosophie de saint Thomas, ont laissé des ouvrages de théologie.
  2. Le jésuite Cheminais.