Page:Boileau - Œuvres poétiques, édition 1872.djvu/416

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semblablement ne sait point de grec, et qui n’a lu Pindare que dans des traductions latines assez défectueuses, a pris pour galimatias tout ce que la faiblesse de ses lumières ne lui permettoit pas de comprendre. Il a surtout traité de ridicules ces endroits merveilleux où le poëte, pour marquer un esprit entièrement hors de soi, rompt quelquefois de dessein formé la suite de son discours ; et afin de mieux entrer dans la raison, sort, s’il faut ainsi parler, de la raison même, évitant avec grand soin cet ordre méthodique et ces exactes liaisons de sens qui ôteroient l’âme à la poésie lyrique. Le censeur dont je parle n’a pas pris garde qu’en attaquant ces nobles hardiesses de Pindare, il donnoit lieu de croire qu’il n’a jamais conçu le sublime des psaumes de David, où, s’il est permis de parler de ces saints cantiques à propos de choses si profanes, il y a beaucoup de ces sens rompus, qui servent même quelquefois à en faire sentir la divinité. Ce critique, selon toutes les apparences, n’est pas fort convaincu du précepte que j’ai avancé dans mon Art poétique, à propos de l’ode :

« Son style impétueux souvent marche au hasard :
Chez elle un beau désordre est un effet de l’art. »

Ce prétexte effectivement, qui donne pour règle de ne point garder quelquefois de règles, est un mystère de l’art, qu’il n’est pas aisé de faire entendre à un homme sans aucun goût, qui croit que la Clélie et nos opéras sont les modèles du genre sublime ; qui trouve Térence fade, Virgile froid, Homère de mau-