Page:Boileau - Œuvres poétiques, édition 1872.djvu/64

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quolibet, dont la pensée est d’autant plus fausse en toutes manières, que le dieu dont il s’agit en cet endroit, c’est Jupiter, qui n’a jamais passé chez les païens pour avoir fait l’homme à son image ; l’homme dans la Fable étant, comme tout le monde sait, l’ouvrage de Prométhée ?

Puisqu’une pensée n’est belle qu’en ce qu’elle est vraie, et que l’effet infaillible du vrai, quand il est bien énoncé, c’est de frapper les hommes, il s’ensuit que ce qui ne frappe point les hommes n’est ni beau ni vrai, ou qu’il est mal énoncé, et que par conséquent un ouvrage qui n’est point goûté du public est un très-méchant ouvrage. Le gros des hommes peut bien, durant quelque temps, prendre le faux pour le vrai, et admirer de méchantes choses ; mais il n’est pas possible qu’à la longue une bonne chose ne lui plaise ; et je défie tous les auteurs les plus mécontens du public de me citer un bon livre que le public ait jamais rebuté, à moins qu’ils ne mettent en ce rang leurs écrits, de la bonté desquels eux seuls sont persuadés. J’avoue néanmoins, et on ne le sauroit nier, que quelquefois, lorsque d’excellens ouvrages viennent à paroitre, la cabale et l’envie trouvent moyen de les rabaisser, et d’en rendre en apparence le succès douteux : mais cela ne dure guère ; et il en arrive de ces ouvrages comme d’un morceau de bois qu’on enfonce dans l’eau avec la main : il demeure au fond tant qu’on l’y retient ; mais bientôt la main venant à se lasser, il se relève et gagne le dessus. Je pourrois dire un nombre infini de pareilles choses sur