Cela n’empêche pas néanmoins qu’il ne parle hardiment de Gallet[1], ce célèbre joueur, qui assignoit ses créanciers sur sept et quatorze ; et du sieur de Provins,qui aivoit changé son balandron en manteau court ; et du Cousin[2], qui abandonnoit sa maison de peur de la réparer ; et de Pierre du Puis, et de plusieurs autres.
Que répondront à cela mes censeurs ? Pour peu qu’on les presse, ils chasseront de la répuhlique des lettres tous les poëtes satiriques, comme autant de perturbateurs du repos public. Mais que diront-ils de Virgile, le sage, le discret Virgile, qui, dans une églogue, où il n’est pas question de satire, tourne d’un seul vers deux poëtes de son temps en ridicule ?
Qui Bavium non odit, amet tua carunina, Maevi,
dit un berger satirique dans cette églogue[3]. Et qu’on ne me dise point que Bavius et Mævius en cet endroit sont des noms supposés, puisque ce seroit donner un
- ↑ Gallet était un joueur célèbre du siècle précédent, criblé de dettes, et qui ne donnait pour toute garantie à ses créanciers que ses futurs gains ; ce qui faisait dire à Regnier : Comme sur un bon fonds de rente et de recettes Dessus sept ou quatorze il assigne ses dettes.
- ↑ Le Cousin n’était autre qu’un fou de la cour du roi Henri IV, et qui avait pris l’habitude de dire en parlant du roi : le roi mon cousin. De là son surnom. Regnier disait de lui De peur de réparer, il laisse sa maison ; Que son lit ne défonce, il dort dessus la dure. Et n’a, crainte du chaud, que l’air pour couverture.
- ↑ Puisse celui qui ne hait point Bavius, aimer tes vers, o Mévius. (Virgile, Églogue III, v. 90.)