Page:Boileau - Œuvres poétiques, édition 1872.djvu/96

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Ma plume pour rimer trouve l’abbé de Pure[1];
Si je pense exprimer un auteur sans défaut,
La raison dit Virgile, et la rime Quinault[2].
Enfin, quoi que je fasse ou que je veuille faire,
La bizarre toujours vient m’offrir le contraire.
De rage quelquefois, ne pouvant la trouver,
Triste, las et confus, je cesse d’y rêver ;
Et, maudissant vingt fois le démon qui m’inspire,
Je fais mille sermens de ne jamais écrire.
Mais, quand j'ai bien maudit et Muses et Phébus,
Je la vois qui paroît quand je n’y pense plus :
Aussitôt, malgré moi, tout mon feu se rallume ;
Je reprends sur-le-champ le papier et la plume ;
Et, de mes vains sermens perdant le souvenir,
J’attends de vers en vers qu’elle daigne venir.
Encor si pour rimer dans sa verve indiscrète,
Ma muse au moins souffroit une froide épithète,
Je ferois comme un autre ; et, sans chercher si loin,
J’aurois toujours des mots pour les coudre au besoin.
Si je louois Philis en miracles féconde,
Je trouverois bientôt, à nulle autre seconde ;
Si je voulois vanter un objet nonpareil,
Je mettrais à l’instant, plus beau que le soleil;
Enfin parlant toujours d’astres et de merveilles,

  1. Boileau avait d’abord fait ces vers différemment, et l’épigramme tombait sur Ménage.

    Si je pense à parler d’un galant de notre âge,

    Ma plume pour rimer rencontrera Ménage.


    Mais après la mort de l’abbé de Pure, arrivée en 1680, Ménage disparut pour faire place au traducteur, aujourd’hui oublié, de Quintilien.

  2. Quinault est l’auteur de la Mère Coquette et de tant d’opéras célèbres ; Boileau a donc tort de présenter Quinault, même avant ses opéras, comme un poëte sans valeur.