Page:Boisgobey - Rubis sur l'ongle, 1886.djvu/235

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Là, il eut le déplaisir de voir arriver Gustave Pitou, flanqué de deux autres remisiers qui venaient boire des apéritifs avant dîner et médire de leur prochain ; mais ces messieurs firent semblant de ne pas le reconnaître et cela le décida à rester. Il semblait être, ce jour-là, d’une gaîté folle ce gros Gustave, et Bécherel en conclut qu’il devait avoir trouvé un moyen de toucher sans difficulté chez l’agent de change le produit de l’heureuse opération de l’avant-veille. Mais, en le voyant rire et chuchoter avec ses camarades, Bécherel se demanda s’il ne leur parlait pas du complot tramé contre la débutante et cette idée troubla sa quiétude.

Quoi qu’il en fût, ces jolis messieurs quittèrent la place après une station de vingt minutes, largement arrosée d’absinthe et de vermouth, et Robert, délivré de leur voisinage, traversa le boulevard, vers sept heures, pour s’en aller dîner au Café Anglais.

Il n’avait pas coutume de prendre ses repas dans ce restaurant, beaucoup trop cher pour sa bourse de secrétaire particulier, mais ce n’était pas la première fois qu’il y entrait et il s’y casa sans éprouver cet embarras qui gêne tant les provinciaux quand ils se risquent dans un lieu public fréquenté par de Parisiens bien posés. Sa tournure et sa tenue ne déparaient pas le cénacle d’habitués élégants qui ont leur place retenue dans le petit salon d’en bas. Aussi, les garçons s’empressèrent-ils à le servir.

Il leur commanda un dîner dont le menu faisait honneur à ses connaissances en gastronomie et des