Page:Boisgobey - Rubis sur l'ongle, 1886.djvu/278

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et en modifiant l’affiche le lendemain sous prétexte de raccords à faire. Il soignait la publicité, sous toutes ses formes ; chaque matin, on lisait dans les journaux quelques lignes habilement rédigées, pour annoncer qu’une étoile de première grandeur allait se lever sur la scène des Fantaisies-Lyriques.

C’était jouer le tout pour le tout, car si, par malheur, l’étoile s’éclipsait dès sa première apparition, le triomphe escompté d’avance se changerait en désastre.

Mais les directeurs aux abois ont toutes les audaces et Cochard savait bien qu’il risquait sa dernière carte sur le succès problématique de Violette.

Elle n’avait pas voulu que ce joli nom figurât sur l’affiche, et elle avait repris, pour débuter, celui de Marie Thabor qu’on lui avait donné jadis, à Rennes ; mais tout se sait à Paris, dans un certain monde, et l’histoire de cette cantatrice improvisée était, pour bien des gens, un secret de Polichinelle. On se racontait que Cochard l’avait découverte chez une comtesse interlope, où elle tenait le piano, à tant par mois, et qu’elle était remarquablement jolie. Et sa beauté, prônée par les feuilles spéciales qui s’occupent des théâtres, affriolait déjà beaucoup d’amateurs.

Dans les grands clubs foisonnent les messieurs blasés qui recherchent les primeurs, et ceux-là ne manquent aucune occasion de compléter leur collection de raretés. Ils vont aux premières comme ils vont aux ventes où on doit mettre sur table un bibelot inédit.

Toute la salle était louée depuis huit jours et le