Page:Boisgobey - Rubis sur l'ongle, 1886.djvu/297

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pliqua au roi qu’elle venait d’un lointain pays avec le rossignol, compagnon de son enfance, qu’ils allaient ensemble par les chemins, gazouillant pour gagner leur vie, que s’étant aventurés sur la mer, le bateau qui les portait avait été jeté à la côte par un ouragan terrible, et qu’ils n’avaient échappé à la mort que par miracle.

Et le débonnaire souverain des oiseaux lui ayant demandé de lui donner un échantillon de son talent de chanteuse, elle attaqua son grand morceau du premier acte, celui qui allait probablement décider de son avenir théâtral, car le public l’attendait là.

C’était un air très original et très difficile que le compositeur bien avisé avait écrit exprès pour elle, une sorte de romance où elle racontait ses malheurs, coupée à la fin de chaque couplet par des vocalises où elle imitait le chant de l’oiseau qu’elle représentait, et terminée par une prière adressée à Vautour Ier : « Pitié !… pitié !… pour la pauvre fauvette. »

Ce fut un triomphe. On applaudit si fort et si longtemps que le ténor qui faisait le rossignol fut obligé d’attendre au moins trois minutes pour chanter à son tour. Enfin, le bruit commençant à s’apaiser, il ouvrait la bouche pour donner une note sur laquelle il comptait beaucoup, lorsqu’un coup de sifflet éclata, comme un coup de foudre éclate parfois, en été, au milieu d’un ciel sans nuages. Il partait du cintre, c’est-à-dire des places à bon marché. Mais Bécherel tremblait déjà que cette manifestation hostile n’encourageât à siffler aussi les autres ennemis de Violette disséminés dans la salle.