Page:Boissière - Propos d’un intoxiqué, 1909.djvu/51

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pointent les toits de briques roses, ses vastes arroyos, ses merveilleux horizons de mer et de montagnes ; et je crois encore d’ici ouïr, aussi distinctement que la mer au fond d’un coquillage, la rumeur solennelle de ses grands pins.

Au milieu des journées écrasantes de chaleur tombait parfois une ondée, une averse d’orage : pendant une heure, le ciel restait voilé ; et puis les nuages s’éloignent, le soleil reparaît et, sans transition, la terre recommence à haleter, sous la chaleur plus accablante que jamais. Pendant ces heures terribles, dans les paillotes annamites, inconfortables et mal ventilées, on éprouvait une immense difficulté de vivre ; et cependant, aujourd’hui, j’évoque, sans autre douleur que celle née du regret, ces torrides après-midi de messidor.


Mars 1886.



Je veux analyser mes sensations de fumeur, depuis la période des premières pipes dans des maisons de hasard — le soir, dans des arrière-boutiques de mercantis chinois, tandis que mes camarades, bruyants, buvaient dans la première salle. L’opium ne me procurait aucun plaisir, mais il me donnait le plus sûr moyen de voir de près les Chinois et les Annamites, d’étudier des mœurs nouvelles, d’habituer mon oreille aux étranges gammes que