Page:Boissier - Cicéron et ses amis.djvu/175

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

triste ressource de prétendre qu’il ne prenait aucun parti parce que tous les partis lui étaient indifférents, et que, n’ayant pas d’opinion formée, il ne savait de quel côté se ranger. Dans ses lettres, adressées à Cicéron et à Brutus, il avait dit cent fois le contraire ; il les avait cent fois charmés par l’ardeur de son zèle républicain. Pourtant il resta tranquille quand arriva l’occasion de servir ce gouvernement auquel il se disait si attaché. Au lieu de faire un seul effort pour retarder sa chute, il ne s’occupa qu’à n’être pas écrasé sous ses débris. Mais s’il n’a pas essayé de le défendre, lui a-t-il au moins rendu ce dernier hommage de paraître le regretter ? A-t-il témoigné de quelque façon que, quoiqu’il n’eût pas paru dans le combat, il prenait sa part de la défaite ? A-t-il su se faire, en vieillissant sous un pouvoir qu’il était forcé de subir, une de ces retraites dignes et tristes qui forcent le vainqueur même au respect ? Non, et c’est assurément ce qui nous répugne le plus dans sa vie ; il a mis un empressement fâcheux à s’accommoder au régime nouveau. Le lendemain du jour où il avait été proscrit lui-même, on le voit devenir l’ami des proscripteurs. Il prodigue pour eux toutes les séductions de son esprit, il fréquente assidûment leurs maisons, il est de toutes leurs fêtes. Quelque habitué qu’on soit à le voir bien accueillir tous les gouvernements qui triomphent, on ne peut se faire à l’idée que l’ami de Brutus et le confident de Cicéron soit devenu si vite le familier d’Antoine et d’Octave. Les plus disposés à l’indulgence trouveront certainement que ces illustres amitiés fui créaient des devoirs qu’il n’a pas remplis, et que c’était trahir la mémoire de ces hommes qui l’avaient honoré de leur affection que de leur donne précisément leurs bourreaux pour successeurs.

Si nous ne sommes pas disposés à nous montrer pour lui aussi complaisants que Cicéron et que Brutus, à plus