Page:Boissier - Cicéron et ses amis.djvu/306

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pêchèrent de réussir quand il brigua les fonctions publiques. Le peuple était fort exigeant pour ceux qui lui demandaient ses suffrages. Pendant tout le reste de l’année, il se laissait mener et malmener ; mais le jour des élections il savait qu’il était le maître, et se plaisait à le montrer. On ne parvenait pas à le gagner, si l’on ne flattait tous ses caprices. Cicéron s’est souvent moqué de ces malheureux et obligeants candidats (natio officiosissima candidatorum) qui vont le matin frapper à toutes les portes, qui passent leur temps en visites et en compliments, qui se font un devoir d’accompagner tous les généraux quand ils rentrent dans Rome ou qu’ils en sortent, qui forment le cortège de tous les orateurs influents, et qui sont forcés d’avoir des égards et des respects infinis pour tout le monde. Parmi les gens du peuple, desquels en définitive dépendait l’élection, les plus honnêtes voulaient être flattés, les autres exigeaient qu’on les achetât. Caton n’était pas homme à faire plus l’un que l’autre. Il ne voulait ni flatter ni mentir ; encore moins consentait-il à payer. Quand on le pressait d’offrir ces repas et ces présents que depuis longtemps les candidats n’osaient plus refuser, il répondait brusquement : « Est-ce un trafic de plaisir que vous faites avec une jeunesse débauchée, ou le gouvernement du monde que vous demandez au peuple romain ? » Et il ne cessait de répéter cette maxime « qu’il ne faut solliciter que par son mérite[1]. » Dure parole ! disait Cicéron, et qu’on n’était pas accoutumé à entendre dans un temps où toutes les dignités étaient à vendre. Elle déplut au peuple, qui profitait de cette vénalité, et Caton, qui s’obstinait à ne solliciter que par son mérite, fut presque toujours vaincu par ceux qui sollicitaient avec leur argent.

  1. Pro Mur., 35.