Page:Boissier - Cicéron et ses amis.djvu/37

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

et Pompée un caporal. Comme il est toujours préoccupé du présent dans ses études du passé, on dirait qu’il poursuit dans l’aristocratie romaine les hobereaux de la Prusse et qu’il salue d’avance dans César ce despote populaire dont la main ferme peut seule donner à l’Allemagne son unité.

Qu’y a-t-il de vrai dans ces violences ? Quelle confiance doit-on avoir dans ces hardiesses d’une critique révolutionnaire ? Quel jugement faut-il porter sur la conduite politique de Cicéron ? L’étude des faits va nous l’apprendre.


I


Trois causes contribuent d’ordinaire à former les opinions politiques d’un homme, sa naissance, ses réflexions personnelles et son tempérament. Si je ne parlais pas seulement ici des convictions sincères, j’en ajouterais volontiers une quatrième, qui fait plus de conversions encore que les autres, l’intérêt, c’est-à-dire ce penchant qu’on éprouve, presque malgré soi, à trouver que le parti le plus avantageux est aussi le plus juste, et à conformer ses sentiments aux positions qu’on occupe ou à celles qu’on souhaite. Cherchons à démêler quelle fut l’influence de ces causes sur les préférences politiques et la conduite de Cicéron.

Longtemps à Rome la naissance avait souverainement décidé des opinions. Dans une ville où les traditions étaient si respectées, on héritait des idées de ses pères comme de leurs biens ou de leur nom, et l’on mettait son honneur à continuer fidèlement leur politique ; mais au temps de Cicéron ces coutumes commençaient à se perdre. Les familles les plus anciennes ne se faisaient plus scrupule de manquer à leurs engagements héréditaires. Dans le parti du sénat, on trouve alors bien des