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l’académie française au XVIIe siècle.

pour épargner sa peine, il lui apporta tout libellé un certificat qui disait « qu’il avait lu, par ordre de M. le chancelier, un livre manuscrit intitulé : Dictionnaire universel des arts et des sciences, et qu’il avait trouvé que ce livre pourrait être très utile au public et méritait d’être imprimé ». Charpentier, la tête encore un peu lourde du bon repas qu’il venait de faire, et se fiant au titre qui n’avait rien de suspect, signa des deux mains, sans même ouvrir le manuscrit. Quand il fut parti, on ajouta une petite ligne au titre, et l’ouvrage fut intitulé : Dictionnaire universel, contenant généralement tous les mots français tant vieux que modernes et les termes des arts et des sciences. Le tour était joué.

Mais le libraire de l’Académie veillait ; son intérêt le rendait vigilant. Pour se couvrir des dépenses que lui causait le dictionnaire, frais de copie et d’impression, et se préserver de toute concurrence, il avait obtenu, en 1674, du chancelier d’Aligre, un privilège, qui défendait d’imprimer aucun dictionnaire français avant que celui de l’Académie eût paru, et pendant vingt ans après sa publication. Furetière avait bien raison de trouver ce privilège abusif et tyrannique ; mais